Description des Velcros icones
INSTALLATION
André Mongeau
96 -2003

La fréquentation physique et culturelle du milieu berlinois m'a orienté dans des avenues insoupçonnées. La présence d'une quantité énorme d'images d'intellectuels du XIXè et du XXè siècles sur toutes les affiches, dans tous les journaux et dans les vitrines de toutes les librairies et des musées, m'a amené malgré moi à construire cette installation. Parallèlement, je ne suis mis à observer aussi les pavés miniatures que mes pieds foulaient dans les rues surtout de l'ex-Berlin-Est et qui dataient d'avant-guerre. Je me mettais à faire des paysages d'un autre ordre, des «visages». Et puis j'ai su un jour que le mot «pavé» en allemand voulait dire «Pflaster», c'est-à dire «sparadrap». Sparadrap, anamnèse, oubli: le nom de l'installation était trouvé: Das Pflaster der Gedanken, le pavé des pensées, le sparadrap de la rue, le pansement sur la guerre. Dans l'article du Berliner Morgen Post, le journaliste s'est trompé en écrivant Das Pflaster der Geschichte, le pavé de l'histoire. Mais il n'avait pas tout à fait tort. Car lorsqu'on marche dans cette ville, on marche un peu sur l'histoire; en déambulant, notre regard se porte par terre tandis que les pensées défilent (comme chez ce promeneur de W.Benjamin dans les années '30).

L'ensemble peut prendre l'allure d'une carte géographique. Tout se passe comme si on avait devant nous le pavé qu'on foule en bas et la carte qu'on consulte devant soi (voyage à travers l'histoire, justement). On dirait aussi un continent.Chaque velcrosicone dessine une tache (trou de mémoire?) sur le mur et le sens de chacune vient de la configuration différente qui se dessine par les interrelations entre les différentes «marques» déplaçables. C'est ce qui forme l'image globale, le lieu de remémoration. On pourrait juxtaposer les icones de manière à former un autre dessin ou à reconstruire l'un des visages déjà présentés. Mais l'installation ressemble aussi à une galerie de portraits ou à une galerie de miroirs.

Plus matériellement, les velcrosicones sont des miniatures dont le support est fait de massonite. Ce dernier est apprêté de façon telle qu'on dirait des galets, des pièces de granit, des ardoises. Sur ce support de massonite est appliqué un fond noir sur lequel les couleurs sont apposées selon une technique qui pourrait ressembler à la peinture traditionnelle. Un vernis assez épais recouvre les dessins. Ce sont des pièces «portables» : on peut les accrocher au mur, sur un vêtement, ou ailleurs. Ils sont aussi manipulables et plus légers qu'un livre. Bref un tableau à la portée de la main...

ANDRÉ MONGEAU


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